Jamais elle n'aurait pensé que les images cataclysmiques qui lui ont traversé l'esprit, ce jour-là, deviendraient réalité.
Pourtant, ce matin de mars 2005, Natacha Calestrémé, écrivain et réalisatrice d'une quinzaine de films, a vécu -ce qu'on appelle en parapsychologie- une précognition. En septembre 2003, le journal britannique The Guardian publie un article du chercheur Hans Heinrich Katz, conclusions de quatre années d'études. Les recherches montraient qu'un gène artificiel, présent dans la culture de colza OGM avait été transféré dans le corps des abeilles par le biais d'une bactérie. Bactérie présente dans l'estomac du corps humain. Personne n'y prêtera attention. Deux ans plus tard, l'article est repris sur le Net. Toujours aucun retentissement.
En lisant cet article qui, tout de suite, a retenu son attention, Natacha Calestrémé éprouve un terrible pressentiment. « J'ignore pourquoi mais dès les premières lignes, mon pouls s'est accéléré. J'ai soudain l'intuition que l'homme avec sa manie de bouleverser les écosystèmes, de transformer le vivant en manipulant les gènes, va provoquer une hécatombe. Et que les abeilles vont être les premières victimes. Immédiatement, je vois le côté monstrueux de la situation et l'aspect inéluctable de ce que ce gène peut engendrer: me viennent alors en tête des images de centaines de milliers d'abeilles décimées. Tout cela me paraît pourtant tellement énorme que j'ai dû mal à croire qu'un tel désastre peut réellement avoir lieu. »
De cette vision qu'elle considère encore comme improbable naîtra l'idée d'écrire un roman futuriste, avec comme postulat de départ une mortalité massive chez les abeilles. Pour le rédiger, l'écrivain entame dès 2006 un travail de longue haleine, et étudie de près les hyménoptères. Un an plus tard, en août 2007, cette hécatombe a réellement lieu. Les impulsions électromagnétiques émises par les antennes-relais et le cocktail détonant pesticides-fongicides-insecticides, aspergé sur les cultures agricoles, affaiblissent les butineuses qui ne sont alors plus immunisées contre les virus, les bactéries et autres parasites en tout genre. Conséquence : 60 à 90% des abeilles domestiques meurent aux Etats-Unis, en Allemagne, en Chine, en Italie, en Pologne, en France… Sans abeilles, pas de pollinisation. Pas de pollinisation, pas fruits ni de légumes. Une drame pour l’humanité et l'avenir de la planète dont tous les journaux feront l'écho.
Natacha Calestrémé n'aurait jamais imaginé deux ans plus tôt que cette sensation dans sa poitrine serait, en fait, une perception de l'avenir. Ses recherches menées très tôt, avant tout le monde, lui permettent alors d'être la première à proposer un film d'enquête sur le sujet. Son documentaire, Disparition des abeilles, la fin d'un mystère, cinq fois primé, reste aujourd'hui encore une référence scientifique en la matière. S'ensuivra Le Testament des abeilles, un polar écologique haletant, très bien écrit et extrêmement bien documenté, paru en novembre 2011 (éditions Albin Michel). Six ans après cette incroyable précognition, ce livre -qui devait au départ raconter une fiction futuriste- s'avère finalement être un roman basé sur un fait devenu malheureusement très actuel : la mort massive des abeilles, un drame écologique bien ancré dans le présent.
C'est grâce à ce 6ème sens, particulièrement développé, que toute la carrière de Natacha Calestrémé s'est bâtie. Cette intuition lui a permis de récolter des images étonnantes pour chacun des films de sa toute première série documentaire, Les Héros de la nature, qu'elle a réalisée en 2005. Comme « connectée » à la nature, elle se souvient être parvenue à filmer exactement ce qu'elle souhaitait en anticipant chaque déplacement des animaux, pourtant réputés pour leur imprévisibilité. « En s'oubliant totalement, en réalisant qu'on est juste invité sur terre, en essayant de rester humble, on reçoit des signaux de l'Univers et on peut espérer pressentir ce qu'il va se passer. »
Ce sens de l'intuition chez l'écrivain-réalisatrice est loin d'être un cas isolé. De nombreuses ?uvres artistiques sont nées d'une forme de perception extrasensorielle. Pour Natacha Calestrémé, cela n'a rien d'étonnant : « Tous ceux qui exercent des professions artistiques développent une part d'imaginaire qui leur permet de se connecter à une autre réalité, accessible en laissant tomber notre esprit qui est sans cesse en mode analytique. Les artistes ont un côté désinhibé, ils se mettent moins de barrières. Ils croient peut-être plus en leur imagination, et osent la rapprocher de la réalité en défiant l'impossible. Pour moi, se fier à son intuition c'est accepter que le hasard n'existe pas. »
Découvrir son site : www.natachacalestreme.fr »